L'année passée, lorsque l'hiver a eu raison de mon vélo à pneus surdimensionnés Wicked Fallout Plus, j'étais à moitié heureux. Heureux parce que ce vélo que j'avais acheté pour évaluer les vélo à pneus surdimensionnés comme option pour le vélo d'hiver était un mastodonte qui s'est révélé dès le premier jour beaucoup trop massif pour se déplacer, surtout l'hiver. Mais triste car je savais que, depuis que Garneau a arrêté de produire son Cityzen Sub-0, il ne se fait aucun vélo conçu pour l'hiver, susceptible de le remplacer.
Je me suis donc rendu à la boutique de vélo locale pour voir ce qu'ils auraient à me proposer. Et par une chance inouïe, le propriétaire de Sports Maguire m'a proposé de lui acheter un vélo qu'il s'était acheté pour l'hiver mais qu'il n'utilisait pas : un Garneau Cityzen Sub-zero! Environ 6 ans après que Garneau cesse de les produire! J'ai sauté sur cette occasion pour enfin devenir pour la première fois de ma vie propriétaire d'un vélo conçu pour l'hiver!
Étant devenu propriétaire d'un appareil rare de grande valeur, je devais lui trouver une protection conséquente. Comme il était incompatible avec le cadenas en U que j'avais déjà, j'ai profité de l'été suivant pour me munir d'une chaîne Keeper 712.
Bien sûr, ma merveille était usagée. Et je n'avais aucune idée de son historique d'entretien. Ainsi, malgré son moyeu interne, ce ne fut qu'une petite déception lorsque, en janvier, j'ai constaté après moins d'une saison d'utilisation que comme tous les vélos que j'ai utilisés en hiver jusqu'aujourd'hui, sa transmission était devenue défectueuse.
Je l'ai alors ramené où notre histoire avait commencé, en demandant à Sports Maguire ce qui pouvait être fait. La réponse fût très réconfortante : le conseiller me dit que la chaîne était étirée, et qu'il s'agissait de la changer pour régler le problème. Je m'en sortais à bon compte! J'en profitai pour demander que le plateau du pédalier soit changé, car le Sub-0 n'en a qu'un seul, et le mien était complètement inadapté pour que le vieux cycliste utilitaire que je suis devenu puisse pédaler en situations neigeuses.
Comme une pièce devait être commandée, je dû me débrouiller avec un très vieux vélo, usagé et inadapté à l'hiver, pendant 2 semaines. 2 semaines souvent froides, pendant lesquelles les problèmes de transmission furent nombreux. Plusieurs fois, j'ai été forcé d'utiliser le vélo comme trottinette, incapable de pédaler. Un matin à -22 °C, la transmission était devenue tellement inutilisable qu'après 1 km, j'ai verrouillé le vélo et terminé le chemin en autobus.
2 semaines plus tard, je retournai enfin récupérer mon Sub-0. En payant, je fus surpris de constater que l'atelier n'avait pas changé la chaîne tel que prévu. Ils avaient plutôt travaillé sur le moyeu, en laissant la chaîne qu'un outil indiquait pourtant comme trop usée. J'étais sceptique, mais je repartis tout de même de la boutique convaincu de conduire un vélo avec lequel j'aurais plus de facilité que je n'en avais jamais eu en hiver.
Dans la semaine qui suivi, quelle ne fut pas ma surprise de constater que la transmission était toujours défectueuse. Ainsi, moins de 2 semaines plus tard, je rentrai pour la deuxième fois de l'hiver le Sub-0 à l'atelier, pour faire changer la chaîne.
C'est seulement le soir du 20 février que je pus aller le récupérer. Le lendemain, aucun problème de transmission pour aller au bureau. Sauf que je constatai que mon cadenas à clé était difficile à déverrouiller. Beaucoup plus difficile qu'une semaine plus tôt. Même chose quand fut le temps de le débarrer le soir. Je me dis que j'avais peut-être trop forcé la clé. Mais heureusement, Kryptonite en fournit 2.
Ainsi, le lendemain, je quittai avec la deuxième clé. Mais en arrivant au centre d'entraînement, la difficulté à ouvrir le cadenas m'a forcé à admettre que la clé n'était pas en faute. Le cadenas lui-même avait un problème.
Malheureusement, je me rendais ensuite directement à une brasserie, sans repasser chez moi. J'arrivai donc au Griendel le soir à 22:00 le 22 mars avec le même cadenas - défectueux, même s'il était encore loin de son premier anniversaire. Le quartier Saint-Sauveur étant parmi les moins sécuritaires de la ville, je n'avais pas le choix de verrouiller mon vélo. Mais là, la situation s'était grandement détériorée. Alors que 3 utilisations plus tôt le Keeper fonctionnait normalement, cette fois, je ne parvins pas à tourner la clé au-delà de 90°. Peu importe la clé utilisée. Après 3 minutes à forcer, je dû reconnaître l'insuffisance de mon éventail de sacres et abdiquer. Je rentrai au Griendel rejoindre mes amis sans avoir verrouillé mon vélo.
Tout ça pour dire que, quand je suis entré au Griendel ce soir-là, j'étais non seulement nerveux, mais, à peine 1 an et 1 semaine après la mort de mon Wicked Fallout Plus, après avoir trouvé et acheté un vélo rare, après lui avoir fait faire une mise au point, après lui avoir acheté un autre cadenas, et l'avoir fait réparé 2 fois, j'étais excédé à l'idée de devoir à nouveau mettre du temps sur mes vélos. Mais avant de pouvoir demander une bonne bière pour décompresser, je devais trouver une solution pour ne pas me faire voler ma merveille d'ici mon départ du Griendel.
Mais heureusement, il y avait une table libre avec vue directement sur mon vélo de l'autre côté de la rue. J'entrepris donc de simplement convaincre mes amis de s'y déplacer. Mais comme un d'eux était en fauteuil roulant et redoutait la difficulté pour aller aux toilettes si nous nous déplacions à cette table, 2 minutes ne me suffirent pas. Je résolus ensuite de convaincre une serveuse de me laisser stationner le vélo sur le trottoir, ce qui ne me pris qu'une minute...
C'est donc 4 minutes après avoir quitté mon vélo que je revins le chercher. C'est pourquoi il me fallu quelques secondes pour réaliser ce qui s'était passé. Je ne vis même pas la fin du crime, il était déjà trop tard. Je couru en sacrant dans les rues adjacentes. Croiser une boutique Urgent Comptant à un coin de rue du lieu du crime me confirma que j'avais été bien trop généreux avec les voleurs de Saint-Sauveur. Après 10 minutes, je dû reconnaître que je n'y pouvais plus rien, et je rentrai bredouille - et surtout furieux - au Griendel pour commencer à digérer ma perte.
Mes pertes : ma merveille hivernale et ses accessoires tous presque neufs, garde-boues, phare et cadenas. Pendant les heures suivantes, je tombai souvent dans la lune, repensant à ce qui m'arrivais plutôt que d'écouter la conversation. Frustré non seulement de devoir magasiner un vélo rapidement et au pire moment, en plein hiver, mais aussi de savoir que les voleurs ne réaliseraient même pas la valeur de ce qu'ils venaient de dérober. Au terme de cette première étape du deuil, je ressortis du Griendel avec une facture de 72$, mais sachant très bien que les dommages de cette sortie m'en coûteraient au moins 1500 autres, en argent, mais surtout en temps.
Je commençai à magasiner un remplacement avant même de me coucher, pour constater que trouver un autre Sub-0 serait impossible. Le lendemain, je me dis qu'il serait peut-être encore plus simple de retrouver mon vélo que de chercher à le remplacer, et j'ajoutai à la bataille un nouveau front. Je signalai le vol à la police. Après avoir complètement rempli le formulaire, le site m'avisa que je venais de perdre mon temps et que je devrais signaler le vol par téléphone. J'appelai donc au poste, pour me faire dire de signaler par le site web. Lorsque je fis valoir que c'était le site web qui m'avait dit d'appeler, l'agente me demanda ce que j'avais répondu à la question demandant si le vol avait été filmé. Quand je lui dis que j'avais répondu que je ne savais pas, elle me dit de répondre non, ce que je fis, avant de pouvoir envoyer le rapport d'événement sans autre problème...
2 heures plus tard, j'avais déjà reçu un courriel m'indiquant qu'« en raison du manque d'éléments ou d'indices fournis, aucune démarche d'enquête ne sera entreprise pour le moment ». Le lendemain, après avoir réalisé qu'une caméra avait dû filmer le vol, je rappelai le service de police de la ville de Québec, qui me fit comprendre qu'il était inutile que je parle à la personne responsable, puisque la police ne ferait rien dans tous les cas.
Je contactai alors Liane Turgeon, une amie cycliste du quartier, que je n’eus aucun mal à convaincre de m'aider à retrouver mon vélo. Je produisis une page « Vélo volé » promettant une récompense de 250$, et elle se chargea de l'imprimer puis de la distribuer au Griendel, à la boutique de vélo juste à côté et à 2 prêteurs sur gage du coin, et de l'afficher à côté d'où mon vélo avait été volé.
Pendant ce temps, je demandai de l'aide sur Facebook, et mon amie Patricia Gendron me fit connaître un atelier de vélo à Québec qui vendait - à ma grande surprise - son propre vélo d'hiver. Je me rendis rapidement chez Bicycles Falardeau, dans Saint-Jean-Baptiste, pour voir cette étonnante offre, consistant en un vélo sur mesure partiellement usagé appelé «~hs~Falardeau d'hiver~hs~».
Je visitai ensuite Mountain Equipment Coop, qui me proposa un vélo plus similaire au Sub-0, basé sur un Mixed tape à moyeu interne. Et je contactai mon cousin François, qui me proposa un vélo Giant à freins à disque, semblable à celui qu'il utilise l'hiver.
J'aurais acheté un vélo Giant Escape chez Mathieu Performance quand j'appris qu'en raison de problèmes d'approvisionnement depuis la Chine en lien avec l'épidémie de COVID-19, je ne pourrais pas l'avoir avant 5 semaines. Ce n'est donc que 11 jours après le vol que je passai la commande pour mon premier vélo conçu pour l'hiver (presque) neuf, un Falardeau d'hiver. 13 jours après le vol, je repartais enfin avec ma nouvelle monture. Entre temps, ma monture d'hiver de dépannage s'était révélée dans un état tellement grave que j'avais dû acheter un autre vélo pour dépanner l'hiver.
Il ne manquait plus que 2 détails de sécurité : un nouveau phare, et obtenir de Kryptonite que, comme compensation minimale pour les dommages qu'ils m'avaient causés, ils m'envoient un nouveau cadenas, fiable cette fois.
Le 21 mars, il ne restait plus que la question du cadenas à régler. Toute cette saga m'avait déjà bien fait perdre 2 ou 3 jours-personne au minimum, quand je reçu un courriel que je n'espérais plus. La petite boutique Vélo basse-ville, dans le même pâté que le Griendel, me donnait les coordonnées d'un homme qui aurait retrouvé mon Sub-0. Le jour même, j'appelai ce résident du quartier Saint-Sauveur, qui m'apprit qu'il avait déjà récupéré mon vélo, et nous nous donnâmes rendez-vous chez lui.
Le lendemain, exactement un mois après le vol, je me rendis chez Benoit Gauthier, un ancien mécanicien qui avait vu l'annonce de récompense chez Vélo basse-ville, et qui l'avait photographiée, avant de voir le vélo sur le terrain où sa conjointe résidait, à peine à une centaine de mètres du lieu du vol. Et je retrouvai un Garneau Cityzen Sub-0, qui était bien le mien, quoique sans ses gardes-boue, et sans la serrure originale de son cadenas. M. Gauthier avait remarqué ce vélo qui traînait depuis quelques jours dans la cour de sa conjointe quand il le compara au vélo de mon annonce et réalisa qu'il s'agissait de mon vélo. Il avait tenté de me rejoindre lui-même par courriel plus tôt, mais - puisqu'un malheur n'arrive jamais seul - n'y était pas parvenu, pour une raison qui restera mystérieuse.
Et je repartis donc avec mon cher vélo retrouvé, n'ayant pu laisser à mon sauveur qu'une carte, comme il refusait ma récompense.
Quelques semaines plus tard, je recevais enfin mon nouveau Keeper 712 de Kryptonite. C'est tout ce que je recevrais de Kryptonite. Même si je leur ai bien expliqué ce qui est arrivé et que je leur ai demandé à plusieurs reprises, la seule compensation offerte par Kryptonite fut un cadenas qu'il vendent pour moins de 65$.
Voilà qui conclut l'aspect recouvrement matériel de cette saga. Serait-ce déjà la fin? Pas si vite! Je ne voudrais surtout pas que cette histoire se répète. Avec 3 vols de vélos à mon passif, je commence à avoir fait ma part. En mars, je suis passé au poste de police de Sainte-Foy pour enregistrer les vélos que j'ai achetés, tel que la ville le recommande. Au premier passage, le policier ne savait pas comment faire. Je me suis contenté de lui signaler qu'avec le verglas qui était tombé, leur support à vélos était pratiquement inaccessible tant que la ville ne déneigerait pas, même pour un homme de mon âge.
Au deuxième passage, le 21 mars, la situation s'était largement améliorée, mais l'accès au support restait hautement périlleux, et je signalai à l'agent qui m’accueillit que je m'étais fait mal au genou malgré mes meilleurs efforts pour ne pas tomber. Je lui remis le burin que j'avais emprunté, mais cet agent différent n'était pas sûr de comment enregistrer des vélos. Il envoya un courriel.
N'ayant toujours pas reçu sa confirmation des enregistrements 8 semaines plus tard, je me suis à nouveau arrêté au poste de police le 16 mai. Cette fois, la nature avait fait son œuvre et éliminé les 1 ou 2 m si difficiles à déneiger. Le seul péril que je dû affronter fût l'énorme grille intelligemment disposée partout en-dessous du support à vélo, pour être sûr que je ne puisse pas récupérer ma clé si j'avais eu le malheur de l'échapper en verrouillant mon cadenas. Malheureusement, si ce beau palais était redevenu facilement accessible, il semblait n'avoir plus une personne pour m'accueillir, même sur les heures d'ouverture et malgré la mention "Ouvert".
Même situation le lendemain. Il fallu donc que j'appelle (par inadvertance) au 911 (oui oui, sérieusement), pour finalement arriver à voir non pas un, mais 2 policiers. Un qui m'entretint et essaya de me faire renoncer, pendant que l'autre - qui ne savait pas plus comment faire - appelait un supérieur tout aussi ignorant du sujet. Avant que je reparte du poste, presque aussi bredouille qu'à ma précédente visite.
Un citoyen du G7 arrivera-t-il à enregistrer ses vélos? En attente de la conclusion du dernier chapitre de cette saga, nous pouvons déjà tirer quelques leçons :
Et surtout, à part un vélo de trop, ce que me laisse cette mésaventure est une perspective différente. Pendant le mois qui a suivi le vol, quand je repensais à Saint-Sauveur, où je me suis fait voler mon précieux véhicule par une nuit thermiquement froide, j'y voyais un quartier sombre de gens pour la plupart pauvres, autant financièrement que moralement.
Mais il a suffit de retourner dans Saint-Sauveur au milieu d'une belle journée ensoleillée de début de printemps, par un temps beaucoup plus chaud et beau, pour voir les mêmes lieux comme partie d'un quartier défavorisé mais chaleureux, avec ses voleurs comme partout, mais aussi ses sauveurs. Quand je suis arrêté aviser les prêteurs sur gage que j'avais récupéré mon vélo, ils avaient tous gardés à portée de main l'annonce distribuée par mon amie et qui a permis de récupérer le vélo. Même un mois après le vol, l'annonce était encore à la vue des clients chez l'un d'eux!
Eh oui, Québec a encore des aspects d'une petite ville, avec ses bons et ses moins bons côtés! Je m'en veux un peu de m'être laissé devenir aussi facilement hautain vis-à-vis un quartier peut-être plus bas, mais qui reste très proche.
Je tiens à remercier tous mes adjudants, Marilou Massentak, Instant Comptant, SOS Comptant, Patricia Gendron, Youri Harvey de Bicycles Falardeau, François Gourgues, les conseillers dédiés de MEC, la famille Cordey et les autres, et surtout, merci à Liane Turgeon, à Vélo basse-ville et à Benoit Gauthier (pour ce qui est de Kryptonite et du service de police de la ville de Québec, il faudra faire mieux pour intégrer cette liste). C'est grâce à vous que l'écriture des chapitres principaux a pu se faire sans trop de peine! Et merci encore au Saint-Sauveur qui a été jusqu'à refuser ma récompense. Votre bienfaisance ne m'a pas seulement réconciliée avec votre quartier. Malgré la grande différence avec ma dernière chance de la sorte, elle me réconcilie aussi un peu avec l'humanité.