Dans la vie, responsabiliser ses semblables demande du courage. Et de l'énergie, ressource qui est limitée. Comme on dit, il faut « choisir ses combats », sachant que certains combats sont bien plus épuisants que d'autres.
C'est pourquoi, dans certains cas, il est très rare que quelqu'un ait le courage de s'opposer réellement. Critiquer son employeur même à l'interne peut être difficile. Pour un conseiller politique qui est témoin de magouilles dans son parti, il est plus facile de laisser aller, quitte à devenir plus ou moins volontairement complice. Imaginez-vous dénoncer publiquement votre employeur, lorsque celui-ci est un parti politique qui vous emploie depuis des années. Il faut carrément être prêt à renoncer à son emploi, à l'amitié de la plupart de ses collègues, et à un projet auquel on a donné tant d'énergie.
C'est pourtant le choix très difficile qu'a fait Jean-Benoit Ratté, ex-conseiller politique de la Coalition Avenir Québec. Après plus de 5 ans à servir la CAQ, il a été contraint de choisir entre trahir sa province et « trahir » son parti et employeur. Jean-Benoit Ratté a eu le courage de choisir le Québec, au détriment de son employeur et—du moins à court terme—de son propre intérêt. Il faut dire que quand on écoute la bonne entrevue accordée à Radio X par M. Ratté, on comprend qu'un homme aussi brillant et habile communicateur n'a dû avoir aucun mal à se trouver un autre emploi.Jean-Benoit Ratté n'a pas fait les choses à moitié (comme l'aurait fait le projet de loi 39). Non seulement il a démissionné au printemps 2021, a révélé dans plus d'une entrevue ce qui s'était passé dans l'ombre, mais il a aussi joint le Mouvement Démocratie Nouvelle pour poursuivre le travail. Je félicite le véritable héros qu'est M. Ratté. Il est clair que la CAQ ne méritait plus une personne d'une telle intelligence, éloquence et intégrité.
M. Ratté n'a pas seulement choisi le Québec en n'embarquant pas dans les supercheries. Il a aussi choisi de conserver sa bonne conscience. Si seulement nous étions davantage à réaliser toute la valeur de la bonne conscience. Ce n'est pas juste le mode de scrutin que M. Ratté a servi en choisissant l'intégrité. Par sa décision, il montre à la CAQ que ses membres ne se tairont pas nécessairement tous quand elle s'adonnera aux prochaines manigances. On peut même espérer que chaque fois où quelqu'un sacrifie ses intérêts pour le bien commun, ce sont tous les partis qui prennent note et y penseront à 2 fois avant de recourir aux tromperies (ne serait-ce que pour éviter de perdre la face).
Notre vie est formée par nos choix. Celui d'écouter CHOI ou Radio-Canada. Celui de ne prendre en considération que sa famille, ou de penser aussi à ses amis, à tous les Québécois, ou même à l'ensemble de l'humanité. Et le choix de prévoir jusqu'à la semaine prochaine, ou jusqu'au siècle prochain. M. Ratté a eu le courage de ne pas s'arrêter au court terme. Espérons qu'en 2026, le Québec ait le courage de faire respecter ses choix, en choisissant un mode de scrutin décent. Et espérons que cette fois, il choisira non pas la CAQ, mais un (ensemble de) parti(s) qui aura/auront ne serait-ce que le dixième de l'intégrité et du courage de Jean-Benoit Ratté, pour enfin s'offrir une démocratie imputable.