Les effets pervers sont innombrables. Il est ainsi bien connu que l'utilisation d'antibiotiques en agriculture rend l'humain beaucoup plus vulnérable aux bactéries en raison de l'antibiorésistance.
Malheureusement, les effets pervers débordent largement la sphère privée. De nombreuses politiques publiques peuvent ainsi causer de nouveaux problèmes. Obliger l'utilisation d'un casque à vélo peut ainsi nuire à la santé publique en réduisant l'utilisation des vélos.
Mais l'effet pervers le moins pardonnable est l'effet cobra, qui survient lorsqu'une mesure empire le problème même qu'elle devait mitiger.
Si l'effet cobra est loin d'être nouveau, ses leçons sont toujours bien mal assimilées. Aujourd'hui encore, l'enfer est pavé de bonnes intentions. Même dans les pays développés, les incitatifs pervers sont monnaie courante, surtout dans le domaine de l'environnement. Par exemple, en voulant décourager l'utilisation de l'automobile, un nombre incalculable de juridictions subventionne les autobus, encourageant bien entendu une augmentation des émissions causées par les autobus.
Ce genre de mesures à priori loufoques est devenu si courant qu'on ne les remarque plus. Ainsi, la filiale Hilo de Hydro-Québec a inauguré son nouveau concept de « défis Hilo ». La formule est présentée comme « simple » :
Très bien... mais qu'est-ce qu'un « kilowattheure non consommé »? Combien d'énergie un client ne consomme-t-il pas?
La réponse à cette question absurde est - bien sûr - soit inexistante, soit arbitraire et imparfaite. Surtout, difficile de trouver une réponse le moindrement juste qui ne soit pas sujette à manipulation. Alors que Hilo publicise encore à grands frais ces « défis », ceux qui y ont adhéré ont déjà commencé à exploiter le concept. Ainsi, non seulement le gouvernement se ruine encore davantage, mais on gaspille l'électricité qu'on tentait de préserver.
Si le gouvernement blâme ce qu'il appelle des « tricheurs », quel être raisonnable accepterait de se faire avoir par les autres sans faire de même? Les « tricheurs » sont en réalité des enseignants forcés de faire la leçon à un gouvernement ignorant. On se dirige en effet vers un effet cobra si Hydro-Québec ne recule pas.
Malheureusement, l'échec de Hilo est un symptôme d'un mal qui a contaminé le monde démocratique. La solution est connue depuis des décennies : compenser les externalités négatives par le principe pollueur-payeur; et plus généralement le principe utilisateur-payeur. Le problème, c'est que le juste prix est un dissuasif. Les décideurs se retrouvent ainsi face à 3 options :
Voulant éviter de se faire reprocher n'avoir rien fait et ayant peur de l'option #2, trop de politiciens sans courage se réfugient dans la dernière, comme leurs électeurs ne leur reprocheront pas (tant qu'ils ne réaliseront pas le déficit ainsi créé).
Le vrai défi ici ne devrait donc pas être lancé aux consommateurs, mais plutôt à la démocratie : combler notre déficit en éducation économique pour se permettre des mesures rationnelles, soutenables et—surtout—efficaces. De sorte qu'on puisse enfin imposer une tarification variable, même s'il s'agit d'une mesure dissuasive.