Une des très rares émissions télévisuelles sur laquelle je garde un œil est Décrypteurs de Radio-Canada. En raison de son sujet des plus actuels : la désinformation. Le concept :
[Lutter] contre la désinformation et [s’intéresser] aux phénomènes web.
Sa mission : aider les citoyens à démêler le vrai du faux sur les réseaux sociaux, analyser les mécanismes qui contribuent à la propagation de fausses informations, expliquer les enjeux numériques et exposer la manipulation et les arnaques en ligne.
Bien entendu, au-delà du sujet, il y a les gens. Les journalistes réguliers, qui incluent Marie-Pier Élie, sont à la hauteur du défi.
Mais dans leur épisode « Les pirates contre-attaquent », les décrypteurs dérivent un peu de leur champ d'expertise vers celui de la consommation, pour traiter des services de diffusion multimédia et du piratage. C'est sans doute pourquoi ce segment fait entrer en scène Stéphanie Dupuis, « qui habituellement écrit des articles dans la zone techno de radio-canada.ca ».
Dans le segment problématique1
, celle-ci nous apprend donc, à 4:00, qu'en téléchargeant d'un site de torrents, on expose notre ordinateur à être infecté par un cheval de Troie, si « t'es pas protégé avec un pare-feu par exemple, ou si t'utilises pas de VPN pour protéger ton adresse IP ». Cette mise en garde ― certes fondamentalement valable contre un risque réel ― est donc accompagnée de ce qui semble être un conseil aux apprentis-pirates d'utiliser un pare-feu ou un RPV pour se protéger contre les maliciels qu'on télécharge…
La sécurité informatique est certes complexe, et on ne peut pas s'attendre à ce qu'une journaliste dont les spécialités incluent « Actualité, Arts et culture, Cinéma, Internet, Médias, Société, Technologies, Télévision » la maîtrise. Mais si la préparation à l'entrevue est insuffisante, comment se fait-il qu'une information aussi trompeuse ne soit pas rectifiée après coup? Comment le service d'information canadien le plus réputé peut-il diffuser le segment sans édition, montage ou quelque forme d'erratum que ce soit, dans une émission se targuant de s'attaquer aux fausses informations?!
Une réponse me vient : il ne s'agit que d'une conversation avec une invitée, et on ne rectifiera certes pas chaque déclaration trompeuse faite par un invité. Mais si c'est vraiment l'excuse, le public réalise-t-il qu'on ne lui offre rien de plus fiable que ça? Ne peut-on pas s'attendre à ce qu'un journaliste de la SRC s'exprimant dans une émission d'information principale et pré-enregistrée de la SRC s'exprime avec grande rigueur?
La réponse semble nous être offerte à la toute fin, quand ― à 9:00 ― Mme Depuis partage son idée pour permettre aux « géants de la diffusion en continu » de décourager le piratage : de réfléchir à s'allier pour offrir plus pour moins cher!
Diminuer la compétition et les prix en même temps, un nouveau concept? Je ne nie certainement pas que le modèle actuel peut être amélioré, au bénéfice à tout le moins des consommateurs et des producteurs, mais s'il y a du génie dans l'idée, il est bien caché tel qu'elle est présentée. On a un peu l'impression que les décrypteurs nous offrent d'assister à une causerie entre journalistes, mais présentée avec des allures de reportage.
S'il ne s'agit que d'une causerie, ne devrait-on pas alors permettre aux auditeurs d'intervenir. À tout le moins en cas d'informations trompeuses? Malheureusement, YouTube ne nous permet pas de commenter (et ICI TOU.TV n'est pas mieux). N'est-ce pas là un bel exemple de « mécanisme qui contribue à la propagation de fausses informations »?😒
J'écris ces lignes alors qu'il n'y a même pas une semaine que j'ai remarqué une erreur majeure (malheureusement récurrente) diffusée sur CBC (dans un reportage du National), toujours dans le domaine technologique. Alors qu'un retour du PCC au pouvoir se profile à court terme, on gardera certainement un grand besoin de recul pour regarder Radio-Canada (comme bien d'autres médias) dans le futur proche.😔
Mise à jour : Merci à Steeves Gourgues, qui m'indique que Décrypteurs est pourtant un des 4 seuls signataires canadiens du code de principes de l'International Fact-Checking Network à avoir été acceptés (quoique sa certification est expirée)!